Qu’est ce que la Sophiatrie ?
La Sophiatrie est une méthode thérapeutique intégrative qui articule psychologie clinique, philosophie pratique, neurosciences et anthropologie. Elle vise à développer une sagesse pratique (Sophia) appliquée au soin de soi (iatrie), en ancrant la thérapie dans la vie concrète des personnes et dans leurs choix éthiques quotidiens. Elle s’applique aux personnes en quête de sens, prises dans l’anxiété de performance, la dépression, ou confrontées à des questionnements existentiels. Elle considère le sujet comme un être en devenir, engagé dans un processus de transformation relationnel, existentiel et éthique. De ce fait, la subjectivation est au cœur de cette approche et s’applique à constituer un sujet capable de discernement et d’action juste dans son projet construire une identité vraie.
La Sophiatrie puise dans les exercices spirituels antiques issus des courants du stoïcisme (examen de conscience, méditation de la mort) en les adaptant aux enjeux contemporains de la psychothérapie. Elle intègre les neurosciences, notamment les travaux du médecin et neuroscientifique Danilo Bzdok sur la cognition morale, l’empathie et la théorie de l’esprit qui considèrent que le soi peut évoluer, se remodeler, se transformer par l’expérience au nom même de la plasticité neuronale et psychique.
La Sophiatrie inclut donc une dimension critique du soi en mettant en lumière les oppressions structurelles qui façonnent les subjectivités et entravent l’éthique personnelle. Elle fonctionne comme une herméneutique incarnée où le sujet est invité à travailler son interprétation de qui il est et de son monde intérieur, indissociable de l’action et de ses choix de vie. Ainsi, elle dialogue avec la pensée critique développée par le philosophe Michel Foucault sur l’éthique de soi, la critique des normes implicites, et avec la pensée de la psychanalyste Ellen Corin pour qui la subjectivité marginale constitue une modalité singulière d’insertion dans le monde, une manière de faire entendre des voix plurielles.
La métaphore du « manège à soi » illustre le mouvement intérieur constant du sujet qui est comparable au mouvement d’un manège. Elle met en image le fait que la vie psychique n’est pas statique, mais faite de cycles, de retours et de reprises, comme dans une spirale où le sujet revisite, sous un angle à chaque fois nouveau, les mêmes thèmes, blessures et questions existentielles. Cette métaphore permet de voir la continuité des étapes de transformation entre les séances renforçant l’idée que la thérapie se joue aussi entre les rencontres, dans les prises de conscience qui émergent au quotidien.
Le mouvement du manège à soi est traversé par la théorie de l’Ego que j’ai développé en 2017 avec l’anthropologue médical Gilles Bibeau, que l’on peut symboliser par la présence autour du manège, d’une abeille et d’une guêpe. Ensemble, elles dessinent une dialectique thérapeutique fondamentale ; collaborer sans se dissoudre et s’affirmer sans détruire. L’abeille incarne le mouvement d’harmonisation qui construit, transforme et invite à goûter à la douceur de la vie, quant à la guêpe, c’est l’inverse, elle incarne plutôt le mouvement de séparation qui rappelle l’importance de poser ses limites, de protéger son intériorité. Leur interaction illustre la dynamique même de la théorie de l’Ego : une tension nécessaire et créatrice entre ouverture et protection, entre union et singularité, qui nourrit le processus de subjectivation et d’équilibre psychique.
La Sophiatrie cherche à répondre à une crise du lien social accentuée par l’isolement, la performance, la pression des normes, et propose de renforcer la qualité des liens humains en passant par une voie thérapeutique et existentielle où l’humain devient une œuvre d’art en réalisant l’authenticité d’un Soi incarné, toujours en mouvement. Elle cherche à unir soin psychologique, réflexion philosophique et engagement éthique, tout en restant ancrée dans des pratiques concrètes et pragmatiques.